HISTOIRE

Profit ou créativité?

Karen Keygnaert est, depuis des années déjà, un chef étoilé. Mais la préparation et le service de menus gastronomiques élaborés lui sont devenus personnellement de plus en plus difficiles. C’est pourquoi, avec Cantine Copine à Bruges, elle opte un concept plus petit : quatorze tables, cinq jours par semaine, une cuisine ouverte et la proximité avec ses hôtes. « Je trouve cette formule beaucoup plus charmante. »

Profit ou créativité? Le chef flamand, Karen Keygnaert, trouve l’originalité dans son propre style

Formation classique

Karen Keygnaert a suivi une formation classique auprès d’Arnold Hanbuckers au restaurant gastronomique étoilé
De Herborist situé à Bruges. Elle a également ouvert, avec son mentor, le restaurant A'Qi à Bruges en 2009, qu’elle gérera seule pendant près de quatre ans après le départ à la retraite de Hanbuckers. Le restaurant fut un grand succès : les tables étaient complètes et Karen a reçu, aux côtés de Hanbuckers et comme seule chef féminin en Flandre, une étoile Michelin.

Toutefois, lors de vacances avec son partenaire à Fuerteventura, Karen réalisa soudain qu’elle ne voulait vraiment pas retourner à A'Qi. « Je ne voyais pas ou à peine mes hôtes, j’étais cachée en cuisine. Dans mon restaurant actuel Cantine Copine je suis beaucoup plus proche des gens pour qui je cuisine. Ainsi, je peux papoter avec tout le monde. Je trouve ce concept beaucoup plus jovial et charmant qu’un restaurant normal. »

Formation classique
Formation classique

Doutes sur l’avenir de la gastronomie

Karen doute aussi de la survie de la cuisine gastronomique. « Les gens ne veulent plus s’asseoir autour d’une table pendant des heures et des heures, avec tout ce tralala de circonstance. Ils veulent aussi avoir le choix et ne pas devoir se conformer à un menu fixe. Le prix joue ici également un rôle. Cuisiner au niveau étoilé n’est guère rentable : il suffit de voir tous les produits de luxe qui se trouvent sur l’assiette et toutes les préparations qui requièrent énormément de travail. »

Karen est satisfaite de sa brigade : maîtresse Päivi, cuisinier Ruben et apprenti cuisinier Oannes. « Nous proposons des plats délicieux, un bel endroit et une ambiance agréable. Pas de non-sens autour de la cuisine. Si les personnes le demandent, nous pouvons tous très bien expliquer ce qu’il y a dans les assiettes. Mais nous ne l’imposons pas. Il est dès lors aussi possible de venir manger un bout rapidement, par exemple sur le temps de midi. Parfois, des hommes d’affaires sont repartis en moins d’une heure. »

« Cuisiner au niveau étoilé n’est guère rentable. »

KAREN KEYGNAERT

CANTINE COPINE, BRUGES, LA BELGIQUE

KAREN KEYGNAERT

Être originale

La créative Karen puise son inspiration un peu partout... Avant d’être cuisinière, elle a étudié l’architecture.  « Bien entendu, cela a une influence sur mon style de cuisine », souligne-t-elle. « On n’est pas uniquement chef. Tout ce que l’on fait en dehors de la cuisine pendant son temps libre façonne également sa personnalité et donc son style de cuisine. Si quelque chose me touche, je veux pouvoir l’appliquer d’une manière ou d’une autre. Mais dans les limites de mon propre style. La tendance à congeler les produits avec de l’azote, par exemple : ça ne me convient pas, donc je ne l’utiliserai jamais. »

Est-ce qu’elle parvient encore à être originale ? « Qu’est-ce que l’originalité ? Tout a déjà été inventé ou fait auparavant. Je cuisine depuis 25 ans et je n’ai plus besoin de changer radicalement de style. Mais lorsque de nouveaux collaborateurs apportent des idées ou des techniques ou lorsque je découvre certains ingrédients sur Instagram, je n’y suis certainement pas hermétique. Il en va de même pour certains équipements : je cuisine de manière classique, mais je suis super contente de mon tiroir chauffant Alto-Shaam qui m’aide à servir des plats parfaits. »

Carte

Depuis peu, Karen a dû mentionner sur le menu qu’il n’est pas possible de venir uniquement manger une entrée. « Mon idéal était un menu dont les plats n’étaient pas explicitement renseignés comme entrées ou plats principaux. Il était possible de commander chaque plat en petit ou grand format. Je pensais que les gens commanderaient alors trois petites portions. Mais presque personne ne le faisait ; cela s’est avéré très déroutant. Mon comptable m’a quand même conseillé de retourner à la présentation entrées et plats. Je ne peux pas survivre avec des clients qui occupent une table tout un samedi soir en consommant une entrée et une bouteille d’eau. Je ne suis pas bornée à ce sujet : quand quelque chose ne fonctionne pas, on fait marche arrière. »