Interview Mélanie Lhéritier et Arnaud Mathez, chef du Jardin Sucré

Cultiver l’art du Bon, du Beau et du Bien

jardin sucré

Si Mélanie Lhéritier et Arnaud Mathez étaient une pâtisserie, ce serait certainement un succès. Depuis une dizaine d’années, ils forment à la vie comme au labo, un tandem savoureux qui enchante les palais et réchauffe les cœurs dans leur jardin sucré, avec des classiques revisités et ultra gourmands. Ce couple d’autodidactes qui n’est jamais rentré dans le « moule », puise sa force dans son instinct, sa ténacité et sa créativité. Sacrés champions de France de macarons en 2014 et fraîchement auréolé du prix de la pâtisserie par l’Omnivore Food festival, les chefs Mélanie et Arnaud ont tous les ingrédients pour se faire une très belle place dans l’univers très sélect de la pâtisserie. Aujourd’hui, ils nous parlent des fêtes de fin d’année dans leur pâtisserie-boutique. Un jardin sucré bien gardé.

D'où vous vient votre inspiration ?

 « Pour nos créations, on ne regarde pas la tendance, ni ce que font les autres. On se demande ce qu’on a envie de manger sur le moment, c’est comme cela que ça marche »

Comme pour tout, Mélanie et Arnaud suivent leurs propres règles pour préparer les fêtes de fin d’année. Pour ce duo passionné et amoureux des bonnes choses, ce temps fort s’anticipe longtemps  à l’avance « Pour créer la collection de Noël, ce ne sont pas les idées qui manquent, on a toujours quinze mille idées de bûches. On en parle dès la rentrée et toute l’année, on note avec les équipes ce qui nous fait envie sur le moment, ce qu’on aimerait manger. Le plus important, renchérit Mélanie, c’est que nous soyons en mood hiver, pour être en phase avec la période de Noël. Ça nous permet de caler les recettes avant l’été, pour ne pas être dans le jus et avoir une collection qui reflète nos envies et l’ADN du jardin sucré ».

jardin sucré

Malgré l’expérience, Arnaud reconnaît volontiers qu’il faut "bûcher" deux fois plus à cette période, à la fois pour trouver les bonnes idées et mettre en route la prod. « Cette année, on est parti sur 4 bûches : nos deux classiques, le chocolat et la vanille caramel qu’on revisite différemment, puis deux autres bûches plus légères et plus fruitées, l’une autour de la mangue et des épices et l’autre plus acidulée avec des agrumes. Au final, 4 bûches avec 4 saveurs différentes, mais avec un résultat toujours gourmand et réconfortant, car c’est notre marque de fabrique »

La suite, c’est l’étape de la fabrication, un moment crucial qui demande beaucoup d’organisation et d’anticipation. « Lorsque toutes les recettes sont calées, on se réunit avec Mélanie et les équipes, et on commence les plannings de production dès le mois de septembre pour la préparation des biscuits et des inserts, afin de lancer les montages un peu avant Noël. »

Le maître mot, c’est l’anticipation, insiste Arnaud. « Avec l’expérience, on sait maintenant qu’il faut tout prévoir à l’avance , ça simplifie beaucoup de choses. Après c’est juste une question d’organisation, avec notre second Manon qui fait du Tetris avec la production de Noël tout en tenant compte du planning actuel »

buche

 Mélanie se souvient des tout débuts, lorsque l’expérience et les équipes manquaient « ça fait 2 ans qu’on est en avance, qu’on arrive à bien gérer toutes les étapes pour être prêt le jour J. Concevoir les packagings, prévoir des frigos supplémentaires, les matières premières…ça prend un an en général. D’une année sur l’autre, on note tout ce qu’il faut changer ou améliorer, que ce soit en vente ou en production. Il faut également penser au renfort en boutique, on rappelle les extras qui sont dispos, car il faut beaucoup de monde pour gérer la période. À Noël, on fait 80% de commande, ça représente environ 2 000 bûches à sortir en 2, 3 jours, sans compter le jour de l’an ! En général, les gens appellent souvent après le 15 décembre pour commander, il nous faut une personne rien que pour cela… »

Arnaud ajoute qu’ils sont obligés de mettre des systèmes en place pour pouvoir accueillir 4 fois plus de clients qu’en temps normal. Avec le sourire, Mélanie nous raconte l’enfer qu’ils ont vécu il y a deux ans.

« Après le Covid, nous avons été débordés de commandes, si bien qu’on n’a pas pu accueillir tout le monde. Les gens ont fait la queue pendant des heures, nous fustigeaient sur les réseaux sociaux, c’était l’horreur ». « De cette expérience, on en a pris de la graine (…) si bien que l’année dernière, tout s’est tellement bien déroulé qu’on s’est presque ennuyé ! (rires) » sourit Arnaud avant d’ajouter : « Après Noël, le reste de l’année, c’est du gâteau. Le fait d’envoyer 3 fois plus de volumes avec le même labo qu’en temps normal, ça nécessite beaucoup de rigueur et d’organisation, et au final ça tire tout le monde vers le haut (…) Du coup, pendant l’année, on implique davantage les équipes dans nos créations de produits. On les briefe sur ce qu’on veut, ils font les essais , parfois plus de 50 et quand le produit sort, ils sont super contents et nous aussi ! » 

La période des fêtes est un défi en pâtisserie-boutique, qui professionnalise et tire tout le monde vers le haut.

Pour vous comment sera la pâtisserie de demain ?

Mélanie et Arnaud font partie de la nouvelle génération de pâtissiers, avec des convictions écologiques et environnementales. « Au jardin sucré, on sublime les pâtisseries en mettant le goût et l’authentique au centre de nos créations, grâce à des produits locaux et de saison rigoureusement sélectionnés ». Mélanie nous explique que la pâtisserie a beaucoup évolué ces dernières années, en matière de santé notamment « Aujourd’hui, on travaille nos produits avec moins de sucre, on allège nos mousses, on sélectionne nos matières premières, pour arriver à quelque chose de gourmand et bon pour la santé ».

Elle ajoute « la nouvelle génération en a assez de manger de la viennoiserie industrielle, mauvaise, des croissants tout raplapla (…) les gens se tournent vers des produits qui ont du goût, de l’authentique ». Arnaud lui emboîte le pas « Oui, aujourd’hui les consommateurs sont plus à l’affût de ce qu’il se passe, ils s’informent, font plus attention à ce qu’ils mangent et à ce qu’ils achètent, contrairement à la génération de nos parents »

jardin sucré

Selon lui, ce nouveau mode de consommation a réveillé dans le monde de la boulangerie-pâtisserie de nouvelles passions: « Par exemple, le métier de tourier, peu considéré il y a quelques années, est redevenu très tendance. Des pâtissiers comme Johan Martin ou Cédric Grolet qui font des viennoiseries incroyables, sont suivis par des milliers de fan sur les réseaux. Ils ont réussi à captiver un nouveau public de boulangers-pâtissiers, à faire naître des vocations ». C’est le cas de leur apprenti, Daniel « Il était boulanger à la base et il est fan du tour, il est à fond là-dedans, d’ailleurs chez nous, il fait la pâte à baba à la perfection » D’autre mode de vie, comme celle du véganisme, Arnaud et Mélanie ne veulent pas en entendre parler « Les gens font ce qui veulent, on respecte leur choix mais nous, au jardin sucré, on ne conçoit pas de faire de la pâtisserie sans crème, sans œuf et sans beurre. » Pour eux, arrêter de consommer les produits d’origine animal n’est pas une solution, à condition de le faire d’une manière raisonnée et équitable

« Nous, on préfère relocaliser. On travaille avec des producteurs locaux, on les connaît depuis des années, on sait comment ils travaillent. Notre lait vient de la ferme juste à côté, contrairement au lait de soja ou l’huile de coco qui poussent on ne sait où » « En terme d’expérimentation, de recherche, c’est intéressant de savoir comment on peut développer un produit végan qui soit gourmand, comme l’a fait Pierre Hermé avec son macaron, mais sinon, on n’y croit pas trop » Mélanie renchérit « c’est comme le bio, il y a bio et bio. Nous, on ne veut pas spécialement faire du bio. Ce qui compte pour nous, c’est de savoir d’où provient notre produit, si l’animal a été bien traité, si les producteurs ont été correctement rémunérés etc. ». « C’est comme nos fraises, ajoute Arnaud, on les achète chaque année au père de Capucine, notre ancienne apprentie, qui est agriculteur à quelques kilomètres d’ici. Ce sont des fraises plein champs, cultivées sans pesticides, c’est un peu plus cher mais meilleur et tellement rassurant ! » 

Mélanie et Arnaud suivent leurs propres règles, veulent « sourcer du bon pour faire de bons produits ». La recette de leur succès.

« Aujourd’hui, on travaille nos produits avec moins de sucre, on allège nos mousses, on sélectionne nos matières premières, pour arriver à quelque chose de gourmand et de bon pour la santé »