Pascal Molines fait les choses à sa façon
Hot or not? De nos jours, être hot dans le monde de la pâtisserie consiste souvent à tout le moins à s’entourer d’un large groupe de followers sur les réseaux et à s’inspirer d’ingrédients et de saveurs du monde entier. Pascal Molines, chef pâtissier et Meilleur Ouvrier de France, se reconnaît dans ce dernier point. Quant aux réseaux sociaux, il y est totalement insensible.
Un collègue pâtissier comme Cédric Grolet est suivi par onze millions de personnes sur Instagram, et le pâtissier italien Alberto Magrí, par près de cinq millions. Mais Pascal Molines y est complètement indifférent. « Ceux qui sont actifs sur les réseaux sociaux essaient toujours de faire mieux qu’un autre. Cela entraîne inévitablement des excès, qui ne sont pas nécessairement payants sur le plan commercial. Qui va vendre un croissant d’un kilo ? Ou un gâteau de deux mètres de diamètre ? C’est impressionnant et ça va faire le buzz en ligne, mais ces produits sont invendables. C’est très ambivalent.»
Pascal Molines est absent des réseaux sociaux, mais il n’en est pas moins connu dans le monde de la pâtisserie. En 1999, il a remporté la Coupe du Monde de la Pâtisserie et s’est offert le titre de Meilleur Ouvrier de France (MOF) l’année suivante. Pascal partage volontiers ses connaissances et il a notamment donné des cours à l’Institut Paul Bocuse à Lyon et à l’école Le Cordon Bleu à Paris. Il est également ambassadeur de la gastronomie française à travers le monde. Peu après la pandémie de coronavirus, il a ouvert à Anneyron, une petite ville aux portes de Lyon, l’Atelier Sucré de Pascal : une modeste boutique de pâtisserie de haut vol qui attire beaucoup de monde, surtout le week-end.
Lorsque vous êtes pâtissier dans l’horeca, c’est tout à fait différent. Vous pouvez utiliser toutes les textures et les saveurs qui vous passent par la tête, parce que le client attend votre dessert en salle. Vous pouvez vous montrer plus créatif. Dans une boutique, les clients optent souvent pour les classiques les plus connus de la gamme. »
Style frasiatique
Cela ne signifie pas que Pascal Molines fuit les expériences. Bien au contraire ! Il s’intéresse par exemple aux saveurs et aux ingrédients asiatiques qui s’invitent dans la pâtisserie française. Il se rend d’ailleurs régulièrement en Asie et connaît de nombreux pâtissiers asiatiques. « Certains d’entre eux viennent se former en France depuis 50 ans. L’expérience qu’ils acquièrent dans des établissements renommés en France a valeur de diplôme dans leur pays d’origine. C’est comme s’ils réussissaient une épreuve d’aptitude en apprenant les bases de la pâtisserie française.
En outre, en Asie, tout ce qui vient de la France a une image luxueuse. Ce qui vaut pour le cognac, le parfum et les bijoux vaut aussi pour la pâtisserie. Du reste, les influences se font dans les deux sens. En France, nous utilisons des produits typiquement asiatiques pour sublimer les saveurs, surtout pour les desserts servis à table. Je pense au yuzu, au matcha ou à la citronnelle. Ces ingrédients moins connus et ces saveurs inattendues donnent une touche d’originalité à nos créations. On parle de style « frasiatique », une intéressante alchimie entre le style français et le style asiatique. »
Pascal Molines accorde énormément d’importance au savoir-faire, qui, selon lui, ne s’acquiert certainement pas en regardant des tonnes de vidéos sur Internet. « Si vous voulez exercer un métier, vous n’allez pas sur une page Facebook. Rien ne s’apprend en cinq minutes. La pâtisserie nécessite d’innombrables compétences. On en apprend tous les jours. Cela vaut pour moi aussi, encore aujourd’hui ! Dans ce métier, on peut se réinventer sans cesse. Pour vous faire un nom, il va vous falloir mettre la main à la pâte et tout faire par vous-même. Si vous ne le faites pas, vous n’y arriverez pas.
Dans le monde de la pâtisserie d’aujourd’hui, il y a plus d’assembleurs que de créateurs. Certains composent en assemblant des produits prêts à l’emploi, parce que souvent, ils ignorent tout simplement comment faire. Il y a une grande différence entre regarder et réaliser quelque chose de ses mains. Actuellement, certains pensent qu’après avoir regardé une vidéo, ils savent comment procéder. Dans un métier manuel comme le nôtre, c’est une totale ineptie. »
Pascal Molines craint que cette tendance entraîne un nivellement par le bas en termes de goût. « De nos jours, sur le plan du goût, les jeunes mettent les ingrédients qu’ils trouvent chez n’importe quel grossiste sur un pied d’égalité avec ceux des magasins spécialisés. Ils font moins la différence, car ils n’ont jamais eu les ingrédients en main et ne les ont jamais goûtés auparavant. » Mais Pascal se rassure tout de même en se disant que le consommateur sait encore ce qui est bon. « Un client qui revient chez vous pour vos croissants en apprécie la qualité. Il reconnaît ce qui est vraiment bon. »
« Il fut un temps, j’ai travaillé comme consultant en tant que MOF et j’ai été surpris de voir la grande quantité de seaux de crème au citron prête à l’emploi qui se vendait. En toute honnêteté, j’ignorais que ça existait ! Une tarte au citron, ça vous titille la langue, c’est l’amertume des zestes, c’est une meringue italienne qui ne colle pas et vous tapisse le palais. Lorsque vous dégustez une bonne tarte au citron, il se passe quelque chose en vous, non ? Vous vous dites : c’est fou ce que c’est bon ! La tartelette croque à l’oreille, les saveurs vous explosent en bouche et vous avez le nez envahi par les arômes. C’est tout le bien que fait la pâtisserie. Vous ne pouvez pas manger quelque chose sans rien ressentir. Il faut qu’il y en ait pour tous les sens. »
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